Yehzekiel Ben Ari
9h30
Yehzekiel Ben Ari est Docteur en neurologie et directeur de l’Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (Inmed) à Marseille. Il dirige actuellement un groupe de recherche et deux entreprises de biotechnologies : Neurochlore qui a pour vocation de comprendre et traiter l’autisme et B&A Therapeutics de comprendre et traiter la maladie de Parkinson. Yehzekiel Ben Ari a travaillé sur de nombreux sujets de recherche, notamment la maturation cérébrale avec l’importance du GABA, ainsi que sur l’épilepsie temporale avec le phénomène de plasticité réactive. Parmi ses travaux, il a montré l’importance des mécanismes de régulation des taux de chlore intracellulaires dans les neurones immatures et le lien avec le neuromédiateur GABA. La dérégulation de l’action de ce neurotransmetteur pourrait être en partie à l’origine de l’autisme et d’autres pathologies cérébrales comme l’épilepsie et la maladie de Parkinson.
Résumé de sa conférence
La thèse centrale de nos travaux est que l’activité intense que le cerveau génère in utéro et pendant les premiers jours /semaines post natal sont cruciaux pour la construction des cartes corticales et des réseaux de neurones. Je propose que comme dans la construction d’un bâtiment, l’activité cérébrale est équivalente aux réunions de chantier servant en quelque sorte à confirmer la bonne réalisation des étapes cruciales et notamment la migration des neurones et la formation d’ensembles neuronaux qui vont ensemble ensuite générer les oscillations requises à la genèse des fonctions essentielles que le cerveau contrôle. Le cerveau immature n’est pas un petit cerveau adulte, quasiment tous les courants électriques suivent des séquences développementales en général passant de courants lents au départ qui remplissent mieux les fonctions requises pour un cerveau en construction. Un des exemples de cette maturation est le niveau de chlore intracellulaire qui est élevé dans les neurones immatures et bas dans les neurones adultes. J’ai proposé que lorsqu’une mutation génétique ou une autre agression (alcool, pesticides, stress excessif etc) empêche l’exécution correcte de ce programme, les neurones gardent, sous la forme de courants électriques immatures, une trace de cette « agression » et du moment où elle est intervenue. Ce concept de Neuroarchéologie ouvre d’importantes possibilités nouvelles de thérapie de maladies neurologiques et psychiatriques car des drogues qui bloquent sélectivement ces courants « immatures « dans un cerveau adulte constituent des outils prometteurs car leurs actions seront restreintes aux neurones pathologiques immatures. Nous avons ensuite découvert que les taux de chlore intracellulaires sont élevés « in utéro » et baissent de façon dramatique lors de la naissance sous l’action de l’ocytocine qui est l’hormone qui déclenche le travail de l’accouchement. Nous avons ensuite découvert que ce « shift » était aboli dans deux modèles animaux (souris) d’autisme notamment le modèle Valproate intra-utérin (Tyzioet al.2014). L’administration à la mère d’un diurétique peu avant la naissance-la bumétanide- réduit chez les descendants les taux de chlore intracellulaires et atténue la sévérité du syndrome y compris à l’âge adulte (Tyzio et al. 2014). Sachant que des taux élevés de chlore sont observées dans des pathologies très diverses, ces observations ouvrent des perspectives intéressantes de traitement (Ben-Ari TINS 2017). Nous avons donc conduit une série d’essais cliniques montrant que le diurétique bumétanide améliore le syndrome autistique (54 enfants, essai double aveugle- Lemonnier et al. 2012) et un large essai (87enfants, 6 centres français) approuvé par lEMA a été effectué dans 6 centres avec succès (lemonnier et al Translational psychiatry 2017). Un essai final phase 3 a été approuvé par l’EMA, il est financé et va être entrepris début 2018. En conclusion, la compréhension et le traitement de l’autisme et d’autres maladies neuro-développementales est conditionné par une meilleure compréhension des déviations des séquences de maturation que produisent in utéro les mutations ou agressions environnementales. L’approche génocentrique dominante actuellement ne permettra pas des avancées dans ces domaines car elle est trop restrictive et ne tient pas compte du processus de maturation. A terme, c’est la combinaison d’un diagnostic précoce, de traitements combinés de type comportemental et par des agents qui comme la bumétanide réduisent les activités perturbantes que l’on pourra offrir des traitements à ces maladies invalidantes qui pour l’instant n’ont pas de traitement. Nos projets actuels sont d’étudier les processus pathogènes intervenant in utéro et associés à des séquelles neurologiques et psychiatriques sévères comme la prématurité, l’inflammation intrautérine ou encore les césariennes programmées. L’ensemble de ces travaux sera réalisé par l’entreprise Neurochlore se basant sur des financements privés et implique entres autres la construction d’un nouveau centre de recherche (New INMED) piloté par une fondation en cours de création.
Véronique Maguer-Satta
12h00
Véronique Maguer-Satta est Docteur en cancérologie au Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon (CRCL) et au Centre Léon Bérard (CLB), ainsi que co-Présidente du Comité Cancer de la Fondation de France. Elle est à la tête d’une équipe du CLB, qui travaille sur les Bone Morphonetic Proteins (BMP), niches tumorales et résistance. Ils évaluent le rôle de l’environnement tumoral sur les Cellules Souches Cancéreuses (CSC) et leurs résistances, en utilisant des modèles de tumeurs épithéliales avec le cancer du sein, et hématopoïétiques avec les leucémies myéloïdes chroniques. En tant que co-Presidente du Comité Cancer, Véronique Maguer-Satta participe à la sélection d’équipes de jeunes chercheurs prometteurs, afin de financer leurs projets originaux et novateurs.
Résumé de sa conférence
Grace aux inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK), la leucémie myéloïde chronique (LMC) est passée d’une maladie mortelle à une pathologie chronique. Cependant, les traitements aux ITK ne sont pas encore curatifs, puisque la plupart des patients conservent en permanence des progéniteurs et des cellules souches leucémiques (CSL) dans leur moelle. Dans la phase chronique de la maladie, les CSL survivent en maintenant des interactions avec leur niche, ce qui peut amener au développement de mécanismes de résistance aux traitements et donc à la persistance de la maladie.
Dans la moëlle normale, la voie des protéines morphogénétiques de la moelle (BMP) régule la destinée et la prolifération des cellules souches hématopoïétiques normales. La dérégulation de cette voie amène au développement de la LMC. Chez les patients atteints de LMC, on retrouve une forte concentration de BMP2/4 dans les niches, permettant le maintien d’un pool de progéniteurs leucémiques, exprimant un fort taux de récepteurs BMPR1b.
Chez les patients résistants aux traitements par ITK, il y a altération de la voie BMP. En effet on détecte de forts taux d’expression de BMP2/4 dans la moëlle et de BMPR1b dans les cellules souches et progéniteurs, ainsi qu’une altération de leur localisation cellulaire. Il y aurait donc persistance des altérations de la voie BMP et une activation d’une boucle autocrine favorisant la résistance des cellules primitives de la LMC aux traitements aux ITK.
Alain Fischer
14h30
Alain Fischer est PUPH à l’hôpital Necker-enfants malades, à Paris. Après avoir été Chef de service de l’Unité d’Immunologie et d’Hématologie pédiatriques à l’hôpital Necker-enfants malades, Directeur de l’Unité mixte Université INSERM 768 « Développement normal et pathologique du système immunitaire », et Vice-président de l’Institut Fédératif de Recherche -Hôpital Necker-Enfants malades, il est actuellement Directeur de l’Institut hospitalo-universitaire – Imagine. Un des principaux thèmes de recherche d’Alain Fischer est la thérapeutique des anomalies génétiques du système immunitaire, notamment par l’utilisation d’anticorps monoclonaux, l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques et la thérapie génique. Une des principales maladies étudiées est le DICS lié à l’X, pour lequel une thérapie génique a été mise en place, avec des résultats très prometteurs.
Résumé de sa conférence
Il existe de très nombreuses maladies rares dont l’origine héréditaire – souvent monogénique – prédomine. Leur étude est essentielle à plus d’un titre : progrès du diagnostic de ces maladies, meilleure connaissance de leur histoire naturelle mais aussi progrès des connaissances fondamentales des systèmes biologiques impliqués et parfois enfin, mise au point de nouvelles thérapeutiques : médicament ciblé ou thérapie génique. Mon exposé illustrera ces progrès à travers l’exemple des déficits immunitaires héréditaires (DIH) un ensemble de plus de 300 maladies (dont l’incidence globale est de l’ordre de 1/3000 naissances). J’évoquerai plus particulièrement comment leur étude contribue à une meilleure compréhension des mécanismes de l’autoimmunité et comment l’analyse de certains DIH parmi les plus sévères a conduit au développement d’une thérapie génique efficace.